Poésie : Thierno Amadou Oury BALDE remporte le prix Syli du jeune écrivain guinéen 2022 avec les  »Fardeaux du silence » (Interview exclusive).

Juriste de formation, Thierno Amadou Oury BALDE est journaliste professionnel, écrivain-poète et professeur de philosophie. Auteur du recueil de poèmes intitulé ‘‘LA RESILIENCE’’, il vient de décrocher le prix Syli du jeune écrivain guinéen 2022, catégorie poésie avec son tapuscrit « Fardeaux du silence ».  Actuellement, il est rédacteur en chef d’Affiches Guinéennes, Journal d’Annonces Légales, d’Informations Juridiques, Economiques et locales. AFALADE l’a rencontré pour vous. Lisez notre entretien.

Pourquoi avoir choisi la poésie ?

Mon choix de la poésie parmi les genres littéraires comme le roman, la nouvelle et l’essai qui est hautement scientifique, se justifie par le sens de mon inspiration et de mon niveau d’engagement.  Vous savez que le poète est un artisan des mots qui créé des vers qu’il assemble en poèmes sous formes libres ou fixes, pour suggérer ce qu’il n’aurait pas pu exprimer en prose courante, afin de partager ses sentiments, ses émotions avec les autres en s’inspirant de la réalité du monde extérieur ou de sa vie intérieure. Moi je contemple la forme esthétique de cet art caractérisé par les règles de la versification et la musicalité des vers (rimes).  Alors, la forte sensation des vers, j’en éprouve beaucoup, pour lutter contre les travers, calmer et clamer les tourments de notre existence. 

Bien que d’aucuns jugent souvent la poésie d’être un langage codé, difficile de compréhension, moi je trouve qu’elle doit sa richesse et sa puissance à l’intégration d’un nombre considérable d’éléments fondus dans une composition unie. J’aime naturellement la poésie que je perçois comme un jeu sur le langage à travers la polysémie des mots, la densité observée des réseaux lexicaux, les figures de style ou la création des images.  Pour rejoindre Paul Eluard dirai-je : « le poète est celui qui inspire bien que celui qui est inspiré ».

Je pense que l’art poétique nous montre comment voir la beauté partout et même dans la mort. S’il faut être un poète incompris comme autrefois Charles Baudelaire qui n’a pas eu tort de croire que son œuvre fera du chemin dans la mémoire du public lettré à côté des meilleures poésies de Victor Hugo, de Théophile Gautier et même de Bayron, je donnerai tout pour mon art dans l’espoir de transfigurer l’expérience douloureuse de l’âme humaine en beauté. 

Parlez-nous de vos deux livres.

Mon premier livre intitulé ‘‘ LA RESILIENCE’’ est un recueil de poèmes qui enseigne la tempérance, la sobriété.  Il fait le procès des tourbillons de l’existence humaine, pour panser les plaies du passé, sortir du cercle vicieux de l’injustice, de l’ethnicité et dérives politiques. En outre, ‘‘la Résilience’’ prêche une nouvelle ère de confiance et de réveil des consciences des citoyens épris de paix et de justice, pour mesurer l’enjeu de leur responsabilité dans la consolidation de la quiétude sociale et du développement durable. Ce cri de cœur que je porte dans ce livre, n’est pas seulement le fait d’en être capable d’assumer son destin, de transformer sa douleur en moteur de vie, mais aussi et surtout apporter son « moi » à l’édification de son pays. Parce qu’à mon avis : « la grandeur d’un homme se mesure par sa foi et la portée de ses actes ». 

En ce qui concerne le second ouvrage titré « Les Fardeaux du silence » qui m’a d’ailleurs permis d’être le premier lauréat du concours national d’écriture ‘‘Parole aux jeunes talents’’, il nous fait voyager dans les sphères les plus élevées de la poésie, pour éveiller les consciences enchaînées, dans un vouloir vivre ensemble durement décomplexé de toute considération subjective.

Si nous croyons avoir agi dans un fort mutisme, cet ouvrage nous apprend par des vers rimés et cris rythmés que ‘‘le silence est un lourd fardeau, voir un supplice cruel qu’il faut éviter au risque d’empoisonner les délices de notre vie’’.   En bref, cette œuvre qui dénonce les tares de notre société, nous invite à briser le silence dans une société devenue l’épicentre spectaculaire des travers, de la déraison et ses dérisions comme l’injustice, les dérives politiques et ses déviances, l’instrumentalisation des institutions, la politisation de l’Administration, la manipulation à outrance, les violences basées sur le genre, l’ethnocentrisme suicidaire, les crimes de sang et économiques.  

Vous êtes poète depuis combien d’années ?

Depuis que j’ai découvert ce talent qui sommeille en moi. Je faisais de la poésie sans me rendre compte, parce que sans vous mentir c’est un art qui m’a fasciné depuis plus de 10 ans. Souvent, j’écrivais des textes pour des artistes en herbe et des jeunes candidats à des compétitions scolaires et inter-écoles qui arrivaient à un résultat plus ou moins satisfaisant. J’ai compris avec cet exercice que je dois sortir de l’ombre du silence. Ce, pour apporter ma contribution au développement de mon pays à travers la plume.

Vous venez de remporter un prix. Tout est parti d’où ?

Tout est parti d’une candidature que j’ai soumise, après la publication de l’annonce du concours national d’écriture ‘‘ la parole aux jeunes talents’’ sur la page des éditions plumes inspirées en Mai dernier.

Avant de pourvoir ma candidature pour la catégorie poésie, j’ai profondément analysé le règlement du concours avec toutes les dispositions juridiques y afférentes. Il s’était trouvé que j’étais sur le projet d’un recueil de poèmes que j’ai retravaillé en tenant compte de nouvelles exigences. Suite à un travail acharné et méticuleux, j’ai réussi à terminer mon manuscrit dans l’espace de deux (2) mois seulement. Le dernier mois qui me restait pour postuler, je l’ai entièrement consacré à la lecture et à la correction de l’œuvre. Aucun jour ne pouvait passer, sans que je n’apporte une retouche à l’ouvrage. J’ai accepté de retravailler mes textes pour arriver finalement à une version plus complète et satisfaisante.

Aujourd’hui, si je suis déclaré 1er lauréat du concours pour toutes les catégories (Poésie, roman et nouvelle), je pense que cela est le fruit d’une longue lutte.

Présentez-nous votre prix ?

Le prix Syli du jeune écrivain guinéen est un prix conçu pour promouvoir le talent des jeunes qui se démarquent dans l’écriture. En vertu du règlement du concours, je bénéficierai en tant que lauréat d’un contrat d’édition gratuite de mon manuscrit ‘‘LES FARDEAUX DU SILENCE’’, d’une somme de 150 euros, d’une campagne de communication médiatique, d’une tournée à l’intérieur du pays, d’un accompagnement des partenaires de la maison d’édition.

A signaler qu’une cérémonie solennelle de remise des prix aux lauréats de toutes les catégories (Poésie, roman et nouvelle) sera organisée dans les prochains mois en attendant la production des ouvrages retenus. 

Quelles sont les difficultés rencontrées en tant que poète en Guinée ?

Comme tout écrivain, les poètes ne sont pas en marge de quelques difficultés parmi lesquelles, je trouve l’angoisse de la page blanche que tout homme de plume cherche à surmonter, pour aller au bout de sa passion d’écrire.  En outre, il existe ce que je nomme ici le manque d’espace d’échanges et de cadre de concertation pour les poètes et d’émissions littéraires pour accompagner et promouvoir le talent des pratiquants ou passionnés de l’art poétique.

Partagez-nous vos projets dans le domaine des œuvres écrites ou orales ?

Au primo, je compte faire une campagne dans plusieurs institutions d’enseignement de notre pays, pour vulgariser mes ouvrages et inciter les jeunes à lire et écrire pour promouvoir l’excellence en milieu éducatif.

Secundo, je décide de m’investir dans la transcription audio-visuelle de certains de mes textes pour impacter davantage le public.

Et tertio, traduire de nombreux poèmes dans nos dialectes, c’est-à-dire nos langues maternelles les plus parlées.

Peut-être que vous trouverez cette idée comme un simple rêve illusoire, mais laissez-moi vous dire que si Dieu le Tout-Puissant le veut bien, je mettrai en place une maison d’édition poétique de haute gamme avec toutes les innovations possibles pour promouvoir les auteurs et leurs livres. 

C’est le premier trophée que vous gagnez ? Quelles sont vos impressions ?

Je suis agréablement surpris et enchanté à plus d’un titre. En remportant ce prix que je dédie à la jeunesse guinéenne dans son ensemble, je mesure le degré de responsabilité de porter la voix des poètes qui transpercent le mystère de la créativité et de l’inspiration au bénéfice du public lecteur.

Je prie Le Tout-Puissant de m’accorder la force et le courage de persévérer dans la bataille littéraire et de ne jamais être la mauvaise conscience de mon époque.

Avez-vous quelques conseils à donner aux jeunes d’ici et d’ailleurs qui veulent faire de la poésie ?

Pour faire de la poésie, un niveau minimum est obligatoire. Le conseil que je donne aux jeunes qui veulent pratiquer cet art, c’est d’accepter de se former dans ce domaine et de s’adapter aux exigences du moment.  Il faut beaucoup lire pour enrichir son vocabulaire et s’inspirer des ouvrages déjà édités pour savoir comment décliner des vers. Car, un poème n’est qu’un langage ordinaire à l’apanage de tous, il est fait pour les inspirés, les élites. Pour réussir leur poésie, j’invite les jeunes à écrire sur des thèmes éternels.

Est-ce que le livre a de l’avenir en République de Guinée Thierno ?

Dans les années à venir, je réponds à l’affirmatif en tenant compte de l’engouement que la publication des œuvres suscite actuellement chez nous. Mais pour l’instant, on ne doit pas ignorer le fait qu’il existe un désintéressement de plusieurs personnes qui aiment plus acheter de modes vestimentaires que de se procurer d’un livre, chose qui décourage les auteurs à faire de nouvelles parutions. 

Dans un pays à majorité illettrée, il est très difficile de promouvoir le livre, si ce n’est pas transcrire son contenu dans les langues nationales. En plus, certaines maisons d’éditions font de la correction et de la publication d’un manuscrit une affaire de business, sans aucun accompagnement dans les médias pour la promotion.   En tout cas, certains écrivains sont laissés pour compte après la cérémonie dédicace de leur œuvre.

De l’autre côté aussi, nous devons comprendre que les maisons d’éditions guinéennes sont des entreprises qui ne bénéficient pas de subventions de l’Etat.  Elles sont limitées en terme de moyens financiers pour supporter le coût des publi-reportages des activités littéraires, mais doivent faire de partenariats pour atteindre leurs objectifs.

La Rédaction.

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